L’acteur OTANI ONIJI II de Toshusai SHARAKU.

Tōshūsai Sharaku (actif de 1794 à 1795), plus connu sous le seul nom de Sharaku, est très généralement considéré comme l’un des grands maîtres de l’estampe japonaise (gravure sur bois). Son œuvre représente de façon particulièrement vivante et audacieuse les acteurs de Kabuki les plus célèbres de son temps.
On sait cependant fort peu de choses de lui, en dehors de ses estampes ukiyo-e ; on ne sait même pas avec certitude quel était son nom véritable, ni la date exacte de sa mort.
On dit que Sharaku aurait été un acteur de de la province d’Awa (aujourd’hui la préfecture de Tokushima)
Sa carrière en tant que maître de l’ukiyo-e est une énigme en soi, puisqu’elle n’a duré en tout que dix mois, du milieu de l’année 1794 jusqu’au début de 1795. Une vie artistique aussi brève et fulgurante a bien sûr donné lieu à toutes sortes d’hypothèses explicatives, rendues nécessaires par l’apparition brutale de ce talent dans toute sa maturité.
Selon une théorie, Sharaku n’était pas une personne, mais un projet lancé par un groupe d’artistes dans le but d’aider un éditeur d’estampes qui les avait aidés. Selon cette théorie, le nom Sharaku viendrait de sharakusai (sornettes), et serait une plaisanterie cachée des artistes, qui savaient qu’il n’existait aucun Sharaku.
Une autre théorie associe Sharaku avec le grand maître de l’ukiyo-e que fut Hokusai. Cette explication repose sur la disparition de Hokusai du monde artistique entre les années 1792 et 1796, ce qui correspond à la période où fleurit le talent de Sharaku. Mais cette théorie ne repose guère que sur l’explication qu’elle apporterait à l’éclipse d’Hokusai pendant cette période.
De même, aucune hypothèse fondée n’est venu étayer la brutale disparition de Sharaku, moins d’un an après son apparition.
 
On peut considérer que sa carrière n’a été aussi brève que du fait de la nature radicale de son travail, qui ne manqua pas de soulever l’hostilité du monde artistique d’Edo. Un manuscrit contemporain note :
« Sharaku faisait le portrait des acteurs de Kabuki, mais, parce qu’il les représentait de manière trop fidèle, ses estampes ne respectaient pas les idées du temps, et sa carrière fut brève. »
Il semble en effet probable que ses estampes, avec leur souci d’extraire la dernière goutte de vérité de ses sujets au travers d’une description attentive, quasi caricaturale, de leurs caractéristiques personnelles, laissaient une certaine impression de malaise, qui les rendaient difficiles à vendre.
De fait, son art ne devint réellement très apprécié des collectionneurs japonais qu’après que les artistes et les collectionneurs occidentaux l’eurent découvert, à la fin du dix-neuvième siècle. Il est aujourd’hui considéré comme un des plus grands artistes de l’estampe japonaise, et le premier artiste « moderne » du Japon, ce qui, joint au tout petit nombre d’estampes qui existent encore de lui aujourd’hui, se traduit par des prix records en salles des ventes.
 
 
 
 
 
L’acteur OTANI ONIJI II
 
 
 
 
Estampe polychrome de bois sur papier 38,1 x 22,9 cm
 
 
 
Tōshūsai Sharaku, dont le talent est comparable à celui d’Utamaro (vers 1753 – 1806) est assurément l’artiste le plus mystérieux de l’art de l’estampe au Japon : de lui, on sait seulement qu’il laissa près de 150 estampes réalisées en une dizaine de mois, entre 1794 et 1795, c’est à dire au coeur de la période Edo (1615 – 1868), un temps de paix relative et de prospérité, garanties par la stabilité d’une société divisée en 4 classes qui ne se mélangeaient que dans les quartiers de plaisirs, où étaient établis les théâtres Kabuki. 
 
Le fait que Sharaku se soit spécialisé dans les portraits d’acteurs du théâtre Kabuki a incité à penser qu’il avait été l’un des comédiens doués d’un don extraordinaire pour illustrer sur leur visage la gamme des sentiments humains dans des intrigues réduites aux thèmes les plus simples et les plus récurrents. 
 
Dans ces théâtres, le public se plaisait au récit des exploits de guerriers, dans un mélange de danse et de drame, mais aussi à celui des mille et une intrigues de la vie quotidienne, et en particulier celles de la domesticité.
 
Autant de personnages portant des costumes élaborés et dont le maquillage était strictement codifié, les hommes jouant les rôles féminins depuis un édit de 1629. 
 
Otani Oniji II étaient l’un de ces acteurs connus pour leurs rôles de domestiques au service d’un samouraï, pour lequel ils accomplissaient sans scrupule les basses oeuvres indignes de son rang. 
 
En observant cet « okubi-e », c’est-à-dire un portrait en gros plan, c’est en effet un homme roublard qui se présente à nous, violent et déterminé, regard menaçant et mains prêtent à étrangler, le corps jeté en avant pour mettre un terme définitif à toute résistance. Certes l’expression est exagérée, comme dans une caricature mais sans donner à cet homme un aspect ridicule. Bref, le genre de personnage qu’il suffit d’avoir croisé une seule fois pour qu’il resurgisse comme un cauchemar. 
 
Quant à la technique, elle se singularise par un trait simple et précis, ainsi que par le recours à une palette chromatique réduite à l’essentiel. 
 
Mais, pour autant, au-delà de ce sentiment d’effroi amusé devant une représentation aussi réaliste et peu flatteuse, nous avons l’impression que quelque chose nous échappe, que des allusions se dérobent. 
 
Dans la signification du motif du vêtement, dans la forme de la coiffure, dans un détail que nous n’avons pas su déceler et qui véhicule un message ? 
 
Un peu à la façon d’une phrase dont nous comprenons la plupart des mots qui la composent sans pour autant en saisir tout le sens. 
 
Au-delà du plaisir esthétique, ce monde nous demeure étranger faute d’en connaitre les codes.
 
 
 
 

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