Tableau retourné » de Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts

Cornelis Norbertus Gysbrechts ou Gijsbrechts (1630 – 1675~) est un peintre flamand, actif dans la deuxième moitié du xviie siècle, né vers 1630, mort après 1675, et spécialisé dans les natures mortes et les trompe-l’œil.
Franc-maître de la guilde de Saint-Luc à Anvers en 1659, Cornelis Norbertus Gysbrechts est peintre de la cour du roi de Danemark, Christian V, à Copenhague entre 1670 et 1672. C’est dans cette dernière ville qu’il semble avoir fait une grande partie de sa carrière. Directeur d’une maison d’enchères, il y fit vendre un bon nombre de ses tableaux, marqués par son talent en matière de trompe-l’œil. En 1659-1660, il devient maître de la guilde de St Luc d’Anvers.
 
 
« Tableau retourné » de  Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts.
 
 
 
 
 
Non, un conservateur de musée distrait ou facétieux n’a pas accroché cette peinture à l’envers. Ce tableau comme tout tableau à deux côtés, mais cette fois identiques, ou presque : l’endroit et l’envers, celui-là vierge, celui-ci peint.
 
Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts, auteur de cette oeuvre troublante, est probablement né à Anvers – où l’on voit son nom mentionné dans les registres de la guilde de Saint-Luc en 1659-1660 -, puis travailla à Regensburg et Hambourg avant de s’installer vers 1668 à Copenhague, où il devient peintre de la cour, au service de Frédéric III puis de Christian V, tous deux grands amateurs de trompe l’oeil, de vanités et d’anamorphoses, dont ils accumulèrent un impressionnant nombre d’exemplaires dans une « kunstkammer » et une « perspektivkammer » conçues autant pour les abriter que pour abuser les sens du visiteur.
 
Nombre de ces trompe-l’oeil représentaient de fausses bibliothèques garnies d’ouvrages restitués avec le plus grand réalisme, lesquels étaient parfois accompagnés de divers objets exotiques montrés derrière la vitre d’un cabinet d’amateur en partie vrai et en partie faux (par exemple, une fausse porte équipée d’une vraie serrure ou une vraie porte équipée d’une fausse-serrure), mêlant ainsi les deux dimensions de la représentation aux trois dimensions de la réalité.
 
D’autres fois, cet artiste peignait des instruments d’écriture et les feuillets d’une correspondance, sur lesquels on peut lire la chronique de divers évènements, dont certains liés à sa vie à la cour. Enfin, Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts, visiblement soucieux de pousser jusqu’à l’extrême limite la technique du trompe-l’oeil, réalisa quelques oeuvres que l’on pourrait qualifier de plus « radicales » en peignant l’arrière de la toile, délimitée par le bois du châssis, lui aussi peint, et retenue par de faux clous, tout en laissant vierge le côté face du tableau, ouvrant ainsi une perspective vertigineuse tant pour la vue que pour la réflexion.
 
Le but d’une telle entreprise ?
Induire en erreur le spectateur, ici avec un raffinement presque sadique, en ajoutant une petite étiquette portant un numéro, comme si ce tableau avait été négligemment posé contre la cimaise d’une salle de vente aux enchères.
Ce que nous dit Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts, c’est que toute apparence n’est qu’une illusion. Et aussi, avec cette étiquette portant inscrit le numéro 36, que tout est transitoire : l’oeuvre, en elle-même immuable, en changeant de main change de sens pour celui qui l’observe, et ainsi change aussi de valeur comme de nature, car le tableau n’est plus qu’un objet parmi d’autres.
 
Dans ce pays profondément protestant qu’est le Danemark, Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts invite à nous interroger sur le statut de la représentation dès lors que les tableaux ont déserté les autels des églises pour satisfaire au plaisir du collectionneur en son cabinet. L’image a disparu de la surface de la toile, et pourtant ceci demeure incontestablement un tableau. Ainsi, comme en se jouant, ou plutôt en se jouant de nous, Cornelius NORBERTUS Gijsbrechts, trois siècles avant de stériles et d’arrogants discours, a renvoyé certains artistes contemporains soucieux d’avant-garde à leur néant.
 
 
 

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