Portrait d’une vieille femme de Quentin MASSYS ou METSYS

Quentin MASSYS
1466-1530 
Quentin Metsys (ou Quinten, Kwinten, Matsijs, Massys) est le dernier grand peintre rattaché aux « primitifs flamands ». Il est né à Louvain (Belgique) en 1466 dans une famille de ferronniers ou de forgerons. Dans son Livre des peintres (1604), Karel Van Mander signale que Quentin Metsys exerce le métier de forgeron jusqu’à l’âge de vingt ans. Mais c’est son frère Josse qui, finalement, reprend le métier paternel. Van Mander raconte que Quentin eut une grave maladie à l’âge de vingt ans et qu’il fut dans l’incapacité de poursuivre le rude travail de la forge. Il s’essaya donc au dessin.
« … les confrères qui soignent les malades, les Lazaristes, allaient de par la ville, portant une grande torche de bois sculptée et peinte, distribuant aux enfants des images de saints gravées et coloriées ; il leur en fallait donc un grand nombre.
Il se trouva que l’un des confrères, allant voir Quentin, lui conseilla de colorier de ces images, et il en résulta que celui-ci s’essaya au travail. Par ce début infime, ses dispositions se manifestèrent, et, à dater de ce temps, il se mit à la peinture avec une vive ardeur. En peu de temps il fit des progrès extraordinaires et devint un maître accompli. » (Karel Van Mander, Le livre des peintres)
 On sait peu de choses de la formation de Metsys. Le contexte culturel est porteur puisque Louvain est déjà à cette époque une ville universitaire. Les grands novateurs flamands y sont connus (Van Eyck, Van der Weyden, Van der Goes, Memling) de même que les peintres de la première Renaissance italienne. Les spécialistes considèrent que Dirk Bouts (v. 1445-1475), peintre officiel de la ville de Louvain, fut le maître de Metsys.
En 1491, Metsys s’installe à Anvers et devient membre de la guilde des peintres de la ville. Vers 1492, il épouse Alyt van Tuylt qui lui donne trois enfants. Celle-ci décède en 1507 et Metsys se remarie avec Catherina Heyns avec laquelle il a dix enfants dont deux deviendront peintres : Jan (1509-1575) et Cornelis (1510-1556).
Metsys connaîtra le succès dans la prospère ville d’Anvers où il mourra en 1530. Contrairement à beaucoup de peintres de cette époque, qui furent ensuite oubliés, l’aura de Metsys ne se ternit jamais et il reste considéré comme un grand artiste au 17e siècle en pleine époque baroque.
 
 
 
Portrait d’une vieille Femme
 
 
Huile sur panneau 64,2 x 45,4 cm
 
 
Une physionomie aussi particulière ne pouvait susciter le désir d’élucider l’identité de cette femme. Plusieurs noms furent avancés, dont celui de Margarete Maultasch (1318-1369), qui, séparée de son premier époux Jean Henri de luxembourg, s’était remariée avec Louis 1er, margrave de Brandebourg, au terme de mille et une péripéties ayant abouti à l’excommunication du couple par Clément VI. Une histoire compliquée dans une époque agitée, qui valut à Margarete le surnom de « bouche-sac », c’est-à-dire « prostituée » en dialecte bavarois. Dans ces circonstances, on comprend la tentation de reconnaitre cette femme de caractère dans cette physionomie encombrante. Le problème est que d’autres portraits de Margarete sont connus, où elle apparait des plus avenantes … Ainsi, celle que l’on a surnommée « l’horrible duchesse »,  qui inspira à Lewis Carroll le personnage de la reine dans « Alice au pays des merveilles », risque-t-elle de demeurer longtemps une inconnue célèbre. 
 
Cette première énigme, qui n’a guère de chances d’être résolue, laisse donc place à une seconde, non moins excitante : pourquoi représenter la laideur ?
D’autant que cela est fait ici avec beaucoup de grâce et que Massys y manifeste une virtuosité technique remarquable. En d’autres termes, la beauté prend naissance là où on l’attendait le moins : l’horreur s’est métamorphosée.  
 
Mais un autre élément est tout aussi troublant : un dessin dans lequel on retrouve cette femme, dû à un artiste appartenant à l’entourage de Léonard de Vinci (the New York Library)) dont Massy eut certainement connaissance par une gravure. 
 
Ainsi cette « horrible duchesse » sans état civil possède-t-elle une généalogie inattendue à laquelle vient s’ajouter un homme tout aussi mystérieux, du même âge mais d’aspect plus banal, dont Massy a peint le profil.
 
C’est alors que l’on remarque un détail passé inaperçu tant on avait été saisi d’effroi devant cette matrone exhibant d’antiques mamelles qui gagneraient à être cachées, à la coiffe extravagante et portant diadème : entre ses doigts, un bouton de rose dont la simple évocation des connotations sexuelles fait frémir !
 
Ainsi notre tentative pour donner un nom à cette femme aurait-elle été inutile pour la simple raison qu’elle n’a probablement jamais existé. 
 
En réalité, Massys a peint une fable morale inspirée d’un passage de « l’éloge de la folie », de son contemporain Erasme :
« Ces femmes décrépites, ces cadavres ambulants, le coeur plein de désirs lubriques, elles ne songent qu’aux moyens d’assouvir la fureur utérine qui les possède encore. »

 

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